La dignité des plantes
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La dignité des plantes
Cette semaine est paru dans Charlie Hebdo (n° 834, mercredi 11 juin 2008) un article très bien écrit par Antonio FISCHETTI sur un sujet qui je pense peut entraîner un débat intéressant. Voici une partie de l’article en question :
« En première mondiale, la Suisse vient de reconnaître aux plantes le droit à la ‘‘dignité de la créature’’. […]
La commission fédérale d’éthique pour la biotechnologie dans le domaine non humain (CENH) vient en effet d’étendre aux plantes le concept de ‘‘dignité de la créature’’. Dans un rapport détaillé, elle explique que ‘‘les plantes ont une valeur intrinsèque au nom de laquelle elles doivent être protégées’’. À ce titre, elle considère ‘‘tout acte de nuisance arbitraire envers les plantes comme moralement répréhensible’’ et décrète que ‘‘toute destruction doit être justifiée par des arguments valables’’. […] Par exemple, la commission écrit très sérieusement que ‘‘le fait d’étêter sans raison valable les fleurs au bord de la route est un exemple d’acte arbitraire’’.[…]
On pourrait bien sûr balayer d’un ton goguenard et d’un revers de stylo la notion de dignité des plantes. mais ça serai un peu léger, surtout pour des défenseurs de la cause animale que nous sommes de longue date à Charlie. La reconnaissance de la souffrance animale est fondée sur l’empathie, c’est-à-dire la capacité de se mettre à la place de l’Autre. Même, et surtout d’ailleurs, quand cet Autre ne nous ressemble pas. Il est sûr que n’importe quel humain ressemble plus à un singe qu’à un navet (quoique, certains, comme Rocco Siffredi, puissent tenir autant du chimpanzé que du concombre). Il est sûr aussi que les plantes n’ont pas de système nerveux. Mais ça n’est scientifiquement pas une raison pour exclure toute idée de souffrance. les plantes réagissent aux agressions extérieures et communiquent avec leur environnement. Elles ne crient pas, certes, mais elles dégagent des molécules. Elles ne fuient pas, certes, mais il suffit de les observer sur un film accéléré pour les voir bouger. Alors la commission s’interroge : ‘‘les nuisances doivent-elles obligatoirement être ressenties de manière consciente pour parler de sensibilité ?’’Et de conclure qu’ ‘‘il n’est pas possible de trancher avec certitude la question de la sensibilité des végétaux’’.
Avant d’entreprendre des travaux de recherche, les biologistes devront désormais écrire une demande d’autorisation à l’Office, qui fera la ‘‘pesée des intérêts’’ – sous-entendu, entre ceux de la plante et ceux de la Science – avant de donner (ou pas) son aval. […]
Quant à la souffrance de la fleur au fond du vase, c’est un autre problème. Personnellement, je ne peux pas m’empêcher d’en voir sans penser à cette phrase du musicien Bernard Lubat (mais sans doute inspirée d’une citation de Jean Cocteau) : ‘‘Tu dis que tu aimes les fleurs et tu leur coupes la queue, alors quand tu dis que tu m’aimes j’ai peur un peu.’’ À méditer en mangeant du chocolat suisse. »
Pour ma part, je trouve qu’il ressort de cette décision deux débats.
Le premier, qui saute aux yeux, est la question de la dignité des végétaux. On sait que les plantes perçoivent leur environnement et réagissent en conséquences. En cours, on nous apprend les différentes réactions des plantes aux stress et perturbations de l’environnement, et les interactions qu’elles ont avec leur milieu. Mais elles n’en ont pas conscience, et c’est là tout le débat, qui rend je pense le problème impossible à résoudre, puisqu’il s’agit de philosophie et plus de science. Mes vagues souvenirs des cours de philosophie me rappellent que les philosophes ne reconnaissent pas la conscience animale, alors ne parlons pas des végétaux.. Mais à partir de là, on peut se poser la grande question philosophique et éthique du jour : est-ce parce que la souffrance n’est pas ressentie par les plantes qu’on ne peut pas leur appliquer le principe de dignité de la créature ? Comme toute bonne question philosophique, celle-ci ne possède pas vraiment de réponse, puisque les arguments pour le oui et le non me semblent justifiés, alors donner son avis sur la justification de cette décision me paraît difficile. Néanmoins, je la trouve discutable sur les conséquences qu’elle entraîne.
Ce qui m’amène à mon second point, qui correspond au fait que la commission ne va pas au bout de ses idées. Si on part du principe que les plantes ont une dignité à respecter, les fleuristes et marchands de légumes devraient êtres contraints par cette décision. Et les enfants qui ramassent un bouquet de fleurs pour la fête des mère aussi. Et cela nous paraît absurde. De plus, l’utilité des végétaux en science n’est elle pas discutable, et cette décision compromet les recherches.
Alors voilà, je pense donc que le principe est à discuter, mais que la décision de la commission est mal adaptée au problème.
Qu’en pensez-vous ?
PS : J'espère avoir posté au bon endroit, je savais pas trop où mettre ce sujet..
« En première mondiale, la Suisse vient de reconnaître aux plantes le droit à la ‘‘dignité de la créature’’. […]
La commission fédérale d’éthique pour la biotechnologie dans le domaine non humain (CENH) vient en effet d’étendre aux plantes le concept de ‘‘dignité de la créature’’. Dans un rapport détaillé, elle explique que ‘‘les plantes ont une valeur intrinsèque au nom de laquelle elles doivent être protégées’’. À ce titre, elle considère ‘‘tout acte de nuisance arbitraire envers les plantes comme moralement répréhensible’’ et décrète que ‘‘toute destruction doit être justifiée par des arguments valables’’. […] Par exemple, la commission écrit très sérieusement que ‘‘le fait d’étêter sans raison valable les fleurs au bord de la route est un exemple d’acte arbitraire’’.[…]
On pourrait bien sûr balayer d’un ton goguenard et d’un revers de stylo la notion de dignité des plantes. mais ça serai un peu léger, surtout pour des défenseurs de la cause animale que nous sommes de longue date à Charlie. La reconnaissance de la souffrance animale est fondée sur l’empathie, c’est-à-dire la capacité de se mettre à la place de l’Autre. Même, et surtout d’ailleurs, quand cet Autre ne nous ressemble pas. Il est sûr que n’importe quel humain ressemble plus à un singe qu’à un navet (quoique, certains, comme Rocco Siffredi, puissent tenir autant du chimpanzé que du concombre). Il est sûr aussi que les plantes n’ont pas de système nerveux. Mais ça n’est scientifiquement pas une raison pour exclure toute idée de souffrance. les plantes réagissent aux agressions extérieures et communiquent avec leur environnement. Elles ne crient pas, certes, mais elles dégagent des molécules. Elles ne fuient pas, certes, mais il suffit de les observer sur un film accéléré pour les voir bouger. Alors la commission s’interroge : ‘‘les nuisances doivent-elles obligatoirement être ressenties de manière consciente pour parler de sensibilité ?’’Et de conclure qu’ ‘‘il n’est pas possible de trancher avec certitude la question de la sensibilité des végétaux’’.
Avant d’entreprendre des travaux de recherche, les biologistes devront désormais écrire une demande d’autorisation à l’Office, qui fera la ‘‘pesée des intérêts’’ – sous-entendu, entre ceux de la plante et ceux de la Science – avant de donner (ou pas) son aval. […]
Quant à la souffrance de la fleur au fond du vase, c’est un autre problème. Personnellement, je ne peux pas m’empêcher d’en voir sans penser à cette phrase du musicien Bernard Lubat (mais sans doute inspirée d’une citation de Jean Cocteau) : ‘‘Tu dis que tu aimes les fleurs et tu leur coupes la queue, alors quand tu dis que tu m’aimes j’ai peur un peu.’’ À méditer en mangeant du chocolat suisse. »
Pour ma part, je trouve qu’il ressort de cette décision deux débats.
Le premier, qui saute aux yeux, est la question de la dignité des végétaux. On sait que les plantes perçoivent leur environnement et réagissent en conséquences. En cours, on nous apprend les différentes réactions des plantes aux stress et perturbations de l’environnement, et les interactions qu’elles ont avec leur milieu. Mais elles n’en ont pas conscience, et c’est là tout le débat, qui rend je pense le problème impossible à résoudre, puisqu’il s’agit de philosophie et plus de science. Mes vagues souvenirs des cours de philosophie me rappellent que les philosophes ne reconnaissent pas la conscience animale, alors ne parlons pas des végétaux.. Mais à partir de là, on peut se poser la grande question philosophique et éthique du jour : est-ce parce que la souffrance n’est pas ressentie par les plantes qu’on ne peut pas leur appliquer le principe de dignité de la créature ? Comme toute bonne question philosophique, celle-ci ne possède pas vraiment de réponse, puisque les arguments pour le oui et le non me semblent justifiés, alors donner son avis sur la justification de cette décision me paraît difficile. Néanmoins, je la trouve discutable sur les conséquences qu’elle entraîne.
Ce qui m’amène à mon second point, qui correspond au fait que la commission ne va pas au bout de ses idées. Si on part du principe que les plantes ont une dignité à respecter, les fleuristes et marchands de légumes devraient êtres contraints par cette décision. Et les enfants qui ramassent un bouquet de fleurs pour la fête des mère aussi. Et cela nous paraît absurde. De plus, l’utilité des végétaux en science n’est elle pas discutable, et cette décision compromet les recherches.
Alors voilà, je pense donc que le principe est à discuter, mais que la décision de la commission est mal adaptée au problème.
Qu’en pensez-vous ?
PS : J'espère avoir posté au bon endroit, je savais pas trop où mettre ce sujet..
Claire- discret
- Nombre de messages : 7
Age : 36
Niveau et domaine de formation : M1 Microbiologie, Écologie
Etablissement : Université Lyon 1
Date d'inscription : 29/05/2008
Re: La dignité des plantes
Je trouve la question de la dignité des plantes très
intéressante mais je ne suis pas sûr d'avoir compris l'objectif de ce post. Les
questions philosophiques ont autant de réponses qu'il y a d'êtres humains sur
cette Terre, au même titre que les questions religieuses. Ce qui amène à dire
que le débat n'existe pas puisque c'est une confrontation d'idées qui n'a pas
pour but de d'expliquer le fonctionnement des choses mais seulement de donner
ses propres impressions et sentiments sur un sujet.
Bien qu'on puisse faire appel à
des connaissances en biologie pour se forger un avis, il n'y a pas de question scientifique
sous-jacente donc pas de consensus possible (à moins de vivre dans un monde
parfait, habité par des clones qui seraient d'accord sur tout). Il me semble
effectivement indispensable que les gens se posent des questions d'ordre
philosophique, le monde serait bien triste sans ça. Beaucoup d'entre nous
partagent en effet des valeurs concernant le respect de la nature, qu'elle soit
vivante ou minérale (moi y compris). Cependant, je ne pense pas que le débat
soit judicieux ou alors dans une nouvelle partie qu'on intitulerait
"Science et philosophie", mais je ne suis pas sûr que cette rubrique
faisait partie des objectifs des créateurs du forum (une discussion à ce sujet serait peut-être la bienvenue?). Voilà,
j'espère ne pas t'avoir offusquée (loin de moi cette idée) mais vu que tu
demandais notre avis, voici le mien!
intéressante mais je ne suis pas sûr d'avoir compris l'objectif de ce post. Les
questions philosophiques ont autant de réponses qu'il y a d'êtres humains sur
cette Terre, au même titre que les questions religieuses. Ce qui amène à dire
que le débat n'existe pas puisque c'est une confrontation d'idées qui n'a pas
pour but de d'expliquer le fonctionnement des choses mais seulement de donner
ses propres impressions et sentiments sur un sujet.
Bien qu'on puisse faire appel à
des connaissances en biologie pour se forger un avis, il n'y a pas de question scientifique
sous-jacente donc pas de consensus possible (à moins de vivre dans un monde
parfait, habité par des clones qui seraient d'accord sur tout). Il me semble
effectivement indispensable que les gens se posent des questions d'ordre
philosophique, le monde serait bien triste sans ça. Beaucoup d'entre nous
partagent en effet des valeurs concernant le respect de la nature, qu'elle soit
vivante ou minérale (moi y compris). Cependant, je ne pense pas que le débat
soit judicieux ou alors dans une nouvelle partie qu'on intitulerait
"Science et philosophie", mais je ne suis pas sûr que cette rubrique
faisait partie des objectifs des créateurs du forum (une discussion à ce sujet serait peut-être la bienvenue?). Voilà,
j'espère ne pas t'avoir offusquée (loin de moi cette idée) mais vu que tu
demandais notre avis, voici le mien!
Julien- Bavard
- Nombre de messages : 59
Age : 40
Niveau et domaine de formation : Doctorant au LBBE (Master 2 Ecologie Evolution et Biométrie)
Etablissement : UCB lyon1
Date d'inscription : 19/11/2007
Re: La dignité des plantes
En fait mon but n'était pas de lancer un débat sur la dignité des plantes, j'ai d'ailleurs noté que la question, comme toute question philosophique n'avait pas de réponse. J'ai trouvé cet article interressant car il montre les problèmes que ce type de question philosophique apportait aux scientifiques. Le but de ce post n'était donc pas de débattre sur le pourquoi de cette décision, mais plus sur ces conséquences. Il sera facile pour les scientifiques de justifier leur expériences pour les recherches en rapport avec la santé par exemple. Mais beaucoup de découvertes se sont faites par hasard, en étudiant un organisme par curiosité scientifique, et cette décision ne le permet plus (en Suisse en tous cas, mais ça paut donner des idées à d'autres).
Désolée de ne pas avoir été claire la dessus, je voulais juste montrer cet article et voir s'il y avait des réaction, et je ne suis pas offusquée, mais ravie qu'il y en ait!
Désolée de ne pas avoir été claire la dessus, je voulais juste montrer cet article et voir s'il y avait des réaction, et je ne suis pas offusquée, mais ravie qu'il y en ait!
Claire- discret
- Nombre de messages : 7
Age : 36
Niveau et domaine de formation : M1 Microbiologie, Écologie
Etablissement : Université Lyon 1
Date d'inscription : 29/05/2008
Re: La dignité des plantes
Pour revenir sur des bases un peu plus "scientifiques", le périodique Nature de cette semaine parle de cette affaire dans un édito. Le point important pour le journal est que le fait que les scientifiques doivent faire des demandes explicites pour faire des travaux en prenant en compte cette dignité va ralentir la recherche dans les domaines concernés.
Tout d'abord, les demandes sont un poids administratif supplémentaire dont on pourrait se passer. Ensuite, le débat existe toujours pour bien définir ce qu'est la dignité des plantes. La définition donnée par les législateurs suisses est assez évasive pour contenter tout le monde, mais pas les chercheurs qui font des demandes se demandent bien ce qu'est cette dignité.
Cet autre article parle de cette affaire.
Insérer la dignité dans la recherche et dans la loi part à coup sûr d'un bon sentiment, dans l'application de la loi, c'est un problème bien plus complexe.
Tout d'abord, les demandes sont un poids administratif supplémentaire dont on pourrait se passer. Ensuite, le débat existe toujours pour bien définir ce qu'est la dignité des plantes. La définition donnée par les législateurs suisses est assez évasive pour contenter tout le monde, mais pas les chercheurs qui font des demandes se demandent bien ce qu'est cette dignité.
Cet autre article parle de cette affaire.
Insérer la dignité dans la recherche et dans la loi part à coup sûr d'un bon sentiment, dans l'application de la loi, c'est un problème bien plus complexe.
Yves- Bavard
- Nombre de messages : 79
Age : 39
Niveau et domaine de formation : Etudiant en thèse sur l'évolution des génomes de rongeurs
Etablissement : Max-Planck-Institute, Berlin
Date d'inscription : 17/10/2007
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