Qu'est ce qu'une espèce bacterienne ?
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Qu'est ce qu'une espèce bacterienne ?
Compte tenu de la difficulté à appliquer les définitions "classiques" de l'espèce au monde microbien (peu de caractères morphologiques, pas de reproduction sexuée...), pourriez vous nous expliquer comment définit on les espèces bacteriennes ? et quels caractères sont utilisés (pathogénicité, moléculaires...) ?
Merci.
Merci.
Oskar- Bavard
- Nombre de messages : 67
Niveau et domaine de formation : Doctorant Evolution et ADN ancien
Etablissement : Australian Centre for Ancient DNA, University of Adelaide
Date d'inscription : 15/10/2007
ça va pas être facile...
La définition classique d'une espèce biologique (communauté d'êtres vivants reconnaissables par leurs caractères et capables de se reproduire sexuellement entre eux en donnant naissance à une progéniture fertile) n'est pas applicable aux procaryotes. Les critères morphologiques, parfois utilisés dans la définition d'une espèce chez les eucaryotes, ont également peu d'intérêt du fait de la simplicité morphologique des bactéries.
Pour ces différentes raisons, les bactériologistes ont dû élaborer une définition originale de l'espèce !
En bactériologie, une espèce est constituée par sa souche type et par l'ensemble des souches considérées comme suffisamment proches de la souche type pour être incluses au sein de la même espèce.
Les critères permettant d'apprécier la parenté de différentes souches ont varié dans le temps et il est possible de distinguer quatre grandes périodes au cours desquelles ont été utilisées une taxonomie phénétique, une taxonomie numérique, une taxonomie phylogénétique et une taxonomie qualifiée de "mixte et consensuelle".
Comme la définition de l'espèce diffère selon les critères retenus, des comités internationaux ont été chargés de proposer une définition de l'espèce.
Ex : Définition de l'espèce bactérienne selon le Comité Stackebrandt et al., 2002. Ce comité s'est réuni les 6,7 et 8 février 2002 à l'Université de Gand et il a formulé des propositions publiées le 15 mai 2002 dans la revue International Journal of Systematic and Evolutionary Microbiology. Les propositions me paraissant importantes :
. L'étude des pourcentages d'hybridation ADN-ADN ainsi que la stabilité thermique des hybrides demeurent la référence pour définir une genomospecies bactérienne lorsque les séquences des ARNr 16S des souches présentent plus de 97% d'homologie.
. Le comité insiste à nouveau sur la nécessité de disposer de caractères fiables et faciles à mettre en évidence avant de donner un nom à une genomospecies. Pour le comité présidé par Stackebrandt ces caractères peuvent être aussi bien des caractères phénotypiques que des caractères génomiques.
. Les hybridations ADN-ADN étant des techniques lourdes et délicates à réaliser, le comité encourage l'utilisation d'autres techniques (séquençage de divers gènes de ménage, séquençage de l'espace intergénique 16S-23S, analyse électrophorétique des protéines, AFLP, RAPD...) à condition que les résultats obtenus soient comparables à ceux des hybridations ADN-ADN.
Le comité encourage également les taxonomistes à développer de nouvelles méthodes susceptibles de remplacer les hybridations ADN-ADN ou susceptibles d'apporter des informations complémentaires.
. Toute description d'une nouvelle espèce devrait inclure la séquence de l'ARNr 16S de la souche type.
. Pour les bactéries d'intérêt médical ou vétérinaire l'écologie et/ou le pouvoir pathogène peuvent prendre le pas sur les critères génétiques ce qui peut (et doit ?) conduire à conserver des nomenclatures distinctes pour des taxons très proches sur le plan génétique. Quelques exemples :
. Les Shigella sp. et les souches de Escherichia coli, bien qu'appartenant à une même genomospecies, portent cependant des noms différents.
. Les différentes espèces du genre Brucella constituent une unique genomospecies qui doit être appelée Brucella melitensis. Toutefois, pour des raisons épidémiologiques et pour éviter des confusions dans le domaine médical, le sous-comité de taxonomie des Brucella reconnaît qu'il est licite d'utiliser les noms de Brucella abortus, de Brucella canis, de Brucella melitensis, de Brucella neotomae, de Brucella ovis et de Brucella suis.
. Les souches types de Clostridium botulinum, de Clostridium putrificum et de Clostridium sporogenes constituent en fait une unique genomospecies et la nomenclature de Clostridium putrificum a priorité. Pour éviter tous risques de confusion, la Commission Judiciaire a cependant décidé de conserver la nomenclature de Clostridium botulinum. Inversement, certaines souches qualifiées de Clostridium botulinum sont très éloignées de la souche type de cette espèce (moins de 10% d'hybridation ADN-ADN) et elles sont en fait proches d'autres espèces du genre Clostridium. Toutefois, ces souches synthétisent une toxine botulique et, pour des raisons médicales, aucune proposition de reclassification n'a été formulée.
En dépit de ces efforts, il convient de remarquer qu'il n'existe aucune définition, universellement admise, de l'espèce bactérienne.
Depuis la classification proposée par Cohn en 1872 et jusqu'au début des années 1960, la définition d'une espèce (et d'une manière générale toute la taxonomie bactérienne) reposait sur une classification phénétique, utilisant un faible nombre de caractères considérés comme importants tels que la morphologie, la présence d'une spore, la mise en évidence d'un caractère biochimique jugé essentiel, l'habitat, le pouvoir pathogène... Elle ne reflète que peu de critères et le choix de ceux qualifiés "d'importants" est subjectif.
Les comités internationaux présidés par Wayne et par Stackebrandt ne basent pas la définition d'une espèce sur des critères phénotypiques, mais ils demandent que ces critères soient pris en compte lorsqu'un auteur veut donner un nom à une espèce.
En 1763, le botaniste français Adanson proposait une méthode de classification qui tenait compte de l'ensemble des caractères d'un organisme. En 1957, Sneath applique une méthode similaire aux bactéries et développe une taxonomie qualifiée de numérique ou d'adansonienne.
De manière schématique, la méthode consiste à étudier, pour chaque souche, plus d'une centaine de caractères morphologiques, biochimiques, culturaux, structuraux... et à attribuer le même poids à chacun des caractères qui sont codés 1 (présence du caractère) ou 0 (absence du caractère). Le but recherché est de rassembler dans une classe de similitude les individus les plus semblables. La technique la plus utilisée est connue sous le nom d'analyse des grappes (cluster analysis) qui consiste à évaluer la ressemblance entre les souches en calculant un indice numérique (soit le coefficient de similitude soit la distance taxonomique).
Même en multipliant le nombre de caractères étudiés (jusqu'à 300 dans certaines études), la taxonomie numérique n'évalue que 5 à 20% du potentiel génétique d'une bactérie.
Dès 1936, Kluyver (qui a donné son nom à la levure sur laquelle je travaille, Kluyveromyces lactis ) et van Niel proposaient l'utilisation d'une taxonomie phylogénétique, mais les outils nécessaires au développement d'une telle taxonomie n'étaient pas disponibles et il fallut attendre la deuxième moitié du 20ème siècle pour qu'une taxonomie phylogénétique commence à se mettre en place. Cette classification prenait en compte des critères comme le pourcentage du G+C, les hybridations ADN-ADN et étude des ARNr. Les séquences d’autres gènes ont été utilisées, mais ces derniers ont été choisis pour réaliser des arbres phylogénétiques car :
. Ils sont présents dans toutes les cellules ce qui permet des comparaisons entre procaryotes et eucaryotes.
. Ils ont une structure bien conservée car toutes modifications pourraient avoir des conséquences importantes sur la synthèse protéique.
. Il existe des portions d'ARNr dont la séquence est identique chez tous les êtres vivants.
. Ils sont abondants dans la cellule et faciles à purifier.
L'ARNr 16S est le plus utilisé car il est plus facile à analyser que l'ARN 23S et plus riche en information que l'ARNr 5S.
Actuellement, les séquences sont disponibles dans des bases de données consultables sur Internet. Il en va de même pour les programmes informatiques indispensables à l'alignement des séquences, au traitement des données et à la construction des arbres phylogéniques.
Selon le Comité présidé par Stackebrandt, toute description d'une nouvelle espèce devrait inclure la séquence de l'ARNr 16S de la souche type.
Les termes de "polyphasic taxonomy" ont été introduits en 1970 par Colwell pour faire référence à une classification qui tient compte d'un maximum de données : données génétiques, données phénotypiques, données chimiotaxonomiques, données écologiques... De nos jours, l'expression "polyphasic taxonomy" sous-entend également que cette classification est susceptible d'avoir l'agrément d'un maximum de bactériologistes. C'est pourquoi elle est souvent traduite par "taxonomie mixte et consensuelle".
La définition d'une espèce, telle quelle est donnée par le Comité présidé par Stackebrandt, rentre partiellement dans le cadre de la taxonomie mixte et consensuelle :
. cette définition est basée sur les homologies ADN-ADN ;
. les critères phénotypiques sont pris en compte lors de l'attribution d'un nom à une nouvelle espèce ;
. elle a reçu l'assentiment de nombreux taxonomistes.
bonne nuit les gens, je vais me suicider...
Pour ces différentes raisons, les bactériologistes ont dû élaborer une définition originale de l'espèce !
En bactériologie, une espèce est constituée par sa souche type et par l'ensemble des souches considérées comme suffisamment proches de la souche type pour être incluses au sein de la même espèce.
Les critères permettant d'apprécier la parenté de différentes souches ont varié dans le temps et il est possible de distinguer quatre grandes périodes au cours desquelles ont été utilisées une taxonomie phénétique, une taxonomie numérique, une taxonomie phylogénétique et une taxonomie qualifiée de "mixte et consensuelle".
Comme la définition de l'espèce diffère selon les critères retenus, des comités internationaux ont été chargés de proposer une définition de l'espèce.
Ex : Définition de l'espèce bactérienne selon le Comité Stackebrandt et al., 2002. Ce comité s'est réuni les 6,7 et 8 février 2002 à l'Université de Gand et il a formulé des propositions publiées le 15 mai 2002 dans la revue International Journal of Systematic and Evolutionary Microbiology. Les propositions me paraissant importantes :
. L'étude des pourcentages d'hybridation ADN-ADN ainsi que la stabilité thermique des hybrides demeurent la référence pour définir une genomospecies bactérienne lorsque les séquences des ARNr 16S des souches présentent plus de 97% d'homologie.
. Le comité insiste à nouveau sur la nécessité de disposer de caractères fiables et faciles à mettre en évidence avant de donner un nom à une genomospecies. Pour le comité présidé par Stackebrandt ces caractères peuvent être aussi bien des caractères phénotypiques que des caractères génomiques.
. Les hybridations ADN-ADN étant des techniques lourdes et délicates à réaliser, le comité encourage l'utilisation d'autres techniques (séquençage de divers gènes de ménage, séquençage de l'espace intergénique 16S-23S, analyse électrophorétique des protéines, AFLP, RAPD...) à condition que les résultats obtenus soient comparables à ceux des hybridations ADN-ADN.
Le comité encourage également les taxonomistes à développer de nouvelles méthodes susceptibles de remplacer les hybridations ADN-ADN ou susceptibles d'apporter des informations complémentaires.
. Toute description d'une nouvelle espèce devrait inclure la séquence de l'ARNr 16S de la souche type.
. Pour les bactéries d'intérêt médical ou vétérinaire l'écologie et/ou le pouvoir pathogène peuvent prendre le pas sur les critères génétiques ce qui peut (et doit ?) conduire à conserver des nomenclatures distinctes pour des taxons très proches sur le plan génétique. Quelques exemples :
. Les Shigella sp. et les souches de Escherichia coli, bien qu'appartenant à une même genomospecies, portent cependant des noms différents.
. Les différentes espèces du genre Brucella constituent une unique genomospecies qui doit être appelée Brucella melitensis. Toutefois, pour des raisons épidémiologiques et pour éviter des confusions dans le domaine médical, le sous-comité de taxonomie des Brucella reconnaît qu'il est licite d'utiliser les noms de Brucella abortus, de Brucella canis, de Brucella melitensis, de Brucella neotomae, de Brucella ovis et de Brucella suis.
. Les souches types de Clostridium botulinum, de Clostridium putrificum et de Clostridium sporogenes constituent en fait une unique genomospecies et la nomenclature de Clostridium putrificum a priorité. Pour éviter tous risques de confusion, la Commission Judiciaire a cependant décidé de conserver la nomenclature de Clostridium botulinum. Inversement, certaines souches qualifiées de Clostridium botulinum sont très éloignées de la souche type de cette espèce (moins de 10% d'hybridation ADN-ADN) et elles sont en fait proches d'autres espèces du genre Clostridium. Toutefois, ces souches synthétisent une toxine botulique et, pour des raisons médicales, aucune proposition de reclassification n'a été formulée.
En dépit de ces efforts, il convient de remarquer qu'il n'existe aucune définition, universellement admise, de l'espèce bactérienne.
Depuis la classification proposée par Cohn en 1872 et jusqu'au début des années 1960, la définition d'une espèce (et d'une manière générale toute la taxonomie bactérienne) reposait sur une classification phénétique, utilisant un faible nombre de caractères considérés comme importants tels que la morphologie, la présence d'une spore, la mise en évidence d'un caractère biochimique jugé essentiel, l'habitat, le pouvoir pathogène... Elle ne reflète que peu de critères et le choix de ceux qualifiés "d'importants" est subjectif.
Les comités internationaux présidés par Wayne et par Stackebrandt ne basent pas la définition d'une espèce sur des critères phénotypiques, mais ils demandent que ces critères soient pris en compte lorsqu'un auteur veut donner un nom à une espèce.
En 1763, le botaniste français Adanson proposait une méthode de classification qui tenait compte de l'ensemble des caractères d'un organisme. En 1957, Sneath applique une méthode similaire aux bactéries et développe une taxonomie qualifiée de numérique ou d'adansonienne.
De manière schématique, la méthode consiste à étudier, pour chaque souche, plus d'une centaine de caractères morphologiques, biochimiques, culturaux, structuraux... et à attribuer le même poids à chacun des caractères qui sont codés 1 (présence du caractère) ou 0 (absence du caractère). Le but recherché est de rassembler dans une classe de similitude les individus les plus semblables. La technique la plus utilisée est connue sous le nom d'analyse des grappes (cluster analysis) qui consiste à évaluer la ressemblance entre les souches en calculant un indice numérique (soit le coefficient de similitude soit la distance taxonomique).
Même en multipliant le nombre de caractères étudiés (jusqu'à 300 dans certaines études), la taxonomie numérique n'évalue que 5 à 20% du potentiel génétique d'une bactérie.
Dès 1936, Kluyver (qui a donné son nom à la levure sur laquelle je travaille, Kluyveromyces lactis ) et van Niel proposaient l'utilisation d'une taxonomie phylogénétique, mais les outils nécessaires au développement d'une telle taxonomie n'étaient pas disponibles et il fallut attendre la deuxième moitié du 20ème siècle pour qu'une taxonomie phylogénétique commence à se mettre en place. Cette classification prenait en compte des critères comme le pourcentage du G+C, les hybridations ADN-ADN et étude des ARNr. Les séquences d’autres gènes ont été utilisées, mais ces derniers ont été choisis pour réaliser des arbres phylogénétiques car :
. Ils sont présents dans toutes les cellules ce qui permet des comparaisons entre procaryotes et eucaryotes.
. Ils ont une structure bien conservée car toutes modifications pourraient avoir des conséquences importantes sur la synthèse protéique.
. Il existe des portions d'ARNr dont la séquence est identique chez tous les êtres vivants.
. Ils sont abondants dans la cellule et faciles à purifier.
L'ARNr 16S est le plus utilisé car il est plus facile à analyser que l'ARN 23S et plus riche en information que l'ARNr 5S.
Actuellement, les séquences sont disponibles dans des bases de données consultables sur Internet. Il en va de même pour les programmes informatiques indispensables à l'alignement des séquences, au traitement des données et à la construction des arbres phylogéniques.
Selon le Comité présidé par Stackebrandt, toute description d'une nouvelle espèce devrait inclure la séquence de l'ARNr 16S de la souche type.
Les termes de "polyphasic taxonomy" ont été introduits en 1970 par Colwell pour faire référence à une classification qui tient compte d'un maximum de données : données génétiques, données phénotypiques, données chimiotaxonomiques, données écologiques... De nos jours, l'expression "polyphasic taxonomy" sous-entend également que cette classification est susceptible d'avoir l'agrément d'un maximum de bactériologistes. C'est pourquoi elle est souvent traduite par "taxonomie mixte et consensuelle".
La définition d'une espèce, telle quelle est donnée par le Comité présidé par Stackebrandt, rentre partiellement dans le cadre de la taxonomie mixte et consensuelle :
. cette définition est basée sur les homologies ADN-ADN ;
. les critères phénotypiques sont pris en compte lors de l'attribution d'un nom à une nouvelle espèce ;
. elle a reçu l'assentiment de nombreux taxonomistes.
bonne nuit les gens, je vais me suicider...
sacha- timide
- Nombre de messages : 14
Niveau et domaine de formation : Etudiante Master 2 Recherche Génétique et Biologie de la cellule
Etablissement : UCB Lyon1
Date d'inscription : 19/10/2007
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